D’après un article de philosophie Magazine : Asma Mhalla : “L’IA change la nature même de nos concepts politiques”
Dans cet entretien, Asma Mhalla met en garde contre les « bruits médiatiques » qui amplifient les crises autour de l’intelligence artificielle (IA). Elle souligne que cette attention continue, qu’elle soit positive ou négative, ne fait qu’instaurer une acceptabilité sociale de l’IA, lui ouvrant de nouvelles portes d’intégration dans tous les aspects de notre vie quotidienne, du travail à l’intimité. Cependant, pour Asma Mhalla, l’IA n’est pas qu’un enjeu technologique ; elle pose des questions fondamentales touchant l’éducation, la démocratie et même la définition de l’humain. Pour elle, le véritable enjeu de l’IA dépasse la simple crainte ou fascination. Il s’agit de savoir si le politique est encore capable d’influer sur ces technologies ou s’il en est réduit à les suivre. Elle interroge les termes mêmes que nous employons : pourquoi parler d’« intelligence » ou d’« artificiel » ? La véritable intelligence humaine repose sur la perception, la raison et l’altérité, des qualités que l’IA tente d’imiter sans parvenir à la singularité du langage humain.
Asma Mhalla explique que ce que nous vivons aujourd’hui n’est pas une « révolution » mais une « évolution » vers des IA étroites, spécialisées dans des tâches précises comme les recommandations, les voitures autonomes ou les générateurs de contenu. Toutefois, l’objectif de certains technologues, notamment en Silicon Valley, est de créer une intelligence artificielle générale, capable de conscience et d’émotion, ce qui soulève des questionnements éthiques. Selon elle, des projets existent déjà pour intégrer les émotions dans les réponses de l’IA, mais cet ajout est purement utilitariste, visant à améliorer la pertinence, sans réflexion sur la signification plus large du progrès. Asma Mhalla appelle donc à une prise de conscience collective et politique. Elle avertit que l’innovation pour l’innovation, sans regard philosophique ou politique, pourrait entraîner de graves conséquences. Elle invite à repenser ce que nous voulons pour l’avenir, que ce soit avec les IA actuelles ou les futures, en posant la question d’un éventuel « arrêt » dans le développement des technologies. Pour elle, la simple régulation ne suffira pas ; le débat doit être civilisationnel, car il touche à des questions éternelles sur la nature humaine et le progrès.
